vendredi 16 juin 2017

Urgence estivale

Mercredi matin, email :
Chère Fofo,
Je t'écris parce que je voulais te proposer une nouvelle traduction, d'un roman très sympathique dont les droits ont déjà été vendus dans sept langues ! Tu trouveras plus d'information dans la présentation en pièce jointe. J'espère que ça te tentera !
Bien à toi,
Editrice

Jusque-là, j'étais ravie. Et puis j'ai lu le post-scriptum :

PS : Il y a 400 pages, et j'aurai besoin du texte pour fin août.

Ah.
Alors, mettons que je lâche ce que je suis en train de faire actuellement (pas d'urgence : comme j'avais un trou, j'ai pris de l'avance sur mon planning de l'automne) et que je m'y mette immédiatement.
Voyons, du 23 juin au 1er juillet je suis sur un vélo, à partir du 8 juillet les enfants sont à la maison à plein temps, et du 13 juillet au 30 août je suis en vadrouille avec mes mômes. Mettons que je travaille un peu, quand j'ai le temps. Entre les quatre repas par jour (acheter, préparer, cuisiner, laver, ranger) et les deux lessives quotidiennes (trier, étendre, plier, ranger), et bien entendu les sorties avec les enfants (organiser, préparer, conduire, visiter, revenir, ranger), je dois pouvoir faire, disons... entre trois et cinq pages par jour ? Sauf au camping, bien sûr. Et les jours où on voyage. Et ceux où nous avons prévu une grande sortie...
Bon, le calcul est vite fait, en réalité.

Chère éditrice,
J'aurais vraiment aimé accepter, mais avec les vacances scolaires qui arrivent, je ne vais vraiment pas réussi à traduire 400 pages d'ici fin août... Je le regrette beaucoup. J'imagine qu'on ne peut pas repousser la remise à fin septembre ?
Bien à toi,
Fofo

48h de silence.
Ce matin, elle m'appelle :

— Allô, Fofo, écoute, je t'appelle pour en discuter, parce que j'aimerais bien que ce soit toi qui le fasses... Et puis je dois t'avouer que j'ai contacté d'autres traducteurs, et je n'ai eu que des réponses négatives. Tous ceux qui ont des enfants partent en vacances, et même ceux qui n'en ont pas...

(Ces traducteurs, quels flemmards, franchement !)

— Il doit bien y avoir quelques traducteurs qui ne partent pas, non ?
— Il y a aussi ceux dont le planning est déjà plein.

(Ils sont pénibles, ces traducteurs, à prévoir du travail plusieurs mois à l'avance, au lieu d'attendre gentiment près de leur téléphone qu'on leur donne un truc à faire !)

— Mais pourquoi est-ce que c'est aussi urgent ? J'ai vu que le livre en VO va sortir en novembre. Vous espérez le sortir en même temps ?
— Non, non, il est prévu pour janvier, mais on a une réunion des représentants début septembre.

(J'aurais dû m'en douter : c'est toujours à cause de la réunion des représentants.*)

— Et si, fin août, je te donnais un tiers de la traduction, plus un résumé détaillé du reste du livre ? Peut-être que les représentants s'en contenteraient ?
— Mmm... J'aurais aimé leur donner le texte complet.
— Mais vous venez juste de l'avoir, ce texte ? Parce que si tu m'avais contactée il y a deux ou trois semaines, j'aurais peut-être accepté.
— C'est vrai ? C'est dommage ! Non, on l'avait déjà, mais on vient juste de faire notre programme 2018, donc on ne savait pas qu'il allait paraître en janvier.

(Et bien entendu, il n'est venu à l'idée de personne que même s'il devait paraître en mai ou septembre, on pourrait quand même le mettre en traduction tout de suite. Non.)

— Écoute, je suis vraiment désolée, mais c'est trop tard pour annuler mes vacances et inscrire mes enfants dans une colonie !
— Bon, je vais y réfléchir. Je te rappelle d'ici ce soir.


Finalement, elle a accepté la remise partielle fin août et le reste fin septembre. Puisque je m'obstinais à vouloir partir en vacances avec mes enfants...

*Pour ceux qui n'y connaissent rien, les représentants sont les intermédiaires entre éditeurs et librairies : ceux que les éditeurs doivent convaincre que tel livre est super, pour qu'ils convainquent à leur tour les libraires d'en mettre plein d'exemplaires dans leur librairie.

7 commentaires:

  1. Ce genre de dialogue rappelle bien des souvenirs à l'ancienne éditrice à domicile à employeurs multiples que je suis. Pendant très longtemps j'ai eu beaucoup de mal à dire non, surtout au super sympa directeur éditorial qui m'appelait "ma belle" et qui me disait qu'il voulait vraiment que ce soit moi qui fasse ce travail. Et puis, tout de même, l'expérience aidant, j'ai compris que cela voulait dire que les délais étaient très courts ou/et que le manuscrit était nul et les exercices entièrement à refaire et, pendant qu'il me parlait, le vers suivant tournait en boucle dans ma tête : "Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l'écoute."

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    1. Moi aussi j'ai du mal à dire non, mais là c'était facile, parce que vraiment, vraiment, je n'aurais pas réussi ! Et surtout j'avais l'espoir qu'elle accepte de changer la date... parce que j'avais bien besoin d'un nouveau contrat.

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  2. On sent le "corvéable à merci", là, quand même ! Je milite pour les vacances des travailleurs indépendants !
    Pour les quatre repas par jour (j'ai connu ça), je te propose le "souper suisse" hebdomadaire que j'avais institué : chocolat-tartines au dîner. Du vrai chocolat, attention ! Comme le matin, c'était un peu la course et plutôt céréales, ils adoraient ! Ça fait déjà un repas sur... 28 !

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    1. Je dois être honnête : en été, j'arrête les gâteaux pour le goûter, et on passe aux glaces, surtout quand on est en Italie. Donc ça ne fait plus que 21 repas... mais c'est beaucoup quand même !

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    2. Les jumeaux fiers de leurs nouvelles capacités de lecteurs pourraient préparer un truc facile en suivant une recette une fois par semaine? (ici ca marche pas trop mal...)

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    3. Oh bon sang. Je suis une mère plutôt confiante, mais là, je n'ose même pas imaginer ! C'est vrai, tes koalas font ça ? Je suis ébahie !

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  3. Mais oui, Fofo, toutes les déclinaisons du gâteau au yaourt par exemple ! Il y a plein de recettes aussi dans Astrapi ! J'avoue, on est des inconditionnels de Bayard Presse !

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