mardi 7 avril 2015

Le Grand est esclavagé

Acte I :
Hier matin, lundi férié, nous décidons de sortir. Le Grand râle, proteste, tempête. Je lui fais miroiter une belle balade sur les berges de la Seine, un pique-nique, un grand soleil, une grande partie de cache-cache aux Tuileries.
— Non, non, je n'ai pas envie ! Et j'ai mal à la jambe ! Et puis il faut que je fasse mes devoirs !
— Tu plaisantes ? Tu n'as pas mis le nez dehors samedi ni dimanche...
— C'est pas vrai, hier j'ai cherché les oeufs dans le jardin !
— Admettons. Tu n'as presque pas mis le nez dehors des deux derniers jours, ne me dis pas que tu n'as pas eu le temps de faire tes devoirs !
— Je pensais que je pourrais les faire lundi !
— Je t'ai dis mille fois de ne pas attendre la fin du weekend pour t'y mettre ! Tant pis, tu les feras au retour.

Acte II :
Contraint et forcé, le Grand fait la balade avec nous. Pendant qu'il discute de la Seconde Guerre mondiale avec son père, je révise les monuments avec les Things. L'Arc de Triomphe, la Tour Eiffel (celle-là, même le Filou la reconnaît), le Grand Palais, les Invalides, le pont Alexandre III, l'obélisque, le musée d'Orsay, les Tuileries, le Louvre...
(Cliquez pour agrandir)
— Et ça, là, juste devant le Louvre ?
— L'Arc de Triomphe ! répond Mr Thing Two.
— Sauf que ce n'est pas le même que tout à l'heure, regardez, il est nettement plus petit, et il n'a pas la même forme... Je vous en ai déjà parlé, c'est...
— L'Arc de Triomphe des choux de Bruxelles ?
(Ce qui est nettement plus parlant que Carrousel, hein, d'abord ça veut dire quoi, "Carrousel" ?)
Pendant le pique-nique, le Grand s'amuse comme un fou à chahuter avec les trois autres. Finalement, nous revenons en passant par les Halles. Une partie des travaux sont déjà terminés, ça a l'air très chouette. Nous nous promettons de revenir.

Acte III :
De retour vers 15h, après un bon thé et quelques chocolats de Pâques, tout le monde se repose. Le Filou, qui a sauté la sieste et a marché sans se plaindre pendant sept kilomètres, s'endort sur un album de Barbapapa (littéralement dessus). Darling est allé se coucher. Les Things regardent un DVD. Moi, je range la cuisine et je fais des lessives. (Si ça ne vous fait pas pitié, cette description de la mère qui continue à abattre des tâches ménagères alors que tout le monde comate, c'est que vous êtes sans-coeur) (on négligera le fait que je suis en train de bloguer à 10h et demie un mardi matin alors que tous les autres bossent). Et le Grand...
— Tu joues à la DS ? Mais je croyais que tu avais des devoirs ?
— Non, en fait j'ai vérifié, j'ai presque rien.
(Je le déteste.)
— Bon, tu sais que comme à chaque fin de weekend, tu es censé ranger entièrement ta chambre et la salle de jeu d'ici ce soir ? Avant le dîner, donc avant 19h30 ? Et aussi prendre une douche et te laver les cheveux ? AVANT LE DINER ? Tu m'as entendue ?
— Oui, oui, c'est bon, je ferai tout, promis !
— Je te signale que la salle de jeu est très en désordre, et que je veux absolument que tu la ranges AVANT LE DINER : après, quand les petits sont couchés, ça fait trop de bruit.
— T'inquiète, je m'en occupe !

Acte IV :
A 18h30, il commence à ranger sa chambre. Puis il prend une douche. Puis il fait ses devoirs. Il n'avait pas si "rien" que ça, en fin de compte. Et à 19h30...
— A table !
— Ah, super, j'ai drôlement faim !
— Tu as tout terminé ?
— J'ai rangé ma chambre.
— Et la salle de jeu ?
— Euh, non.
— Alors je suis désolée, tu reviendras dîner quand tu auras terminé. On te garde ta part.
Je suis très fière de moi : j'ai tenu bon malgré les hurlements et claquement de porte. J'ai toujours énormément de mal à punir (et Darling est encore pire que moi). Je crie, je menace, mais je ne mets presque jamais mes menaces à exécution. Je sais, c'est mal, j'en suis parfaitement consciente. Mais moi qui me mets si facilement en colère, je n'arrive pas à rester fâchée assez longtemps pour tenir une punition sur la durée. (Ça me rappelle le père de Manolito, dans Mafalda, qui n'aime pas plus les punitions que les crédits, et qui préfère "les baffes au comptant"...)

Acte V :
20h15, nous avons fini de dîner, le Grand n'est pas redescendu. Je monte et m'aperçois que la salle de jeu est exactement dans le même état que deux heures plus tôt. J'entre dans la chambre du Grand. Il s'est couché, il a fermé ses volets, et il fait semblant de dormir. Si j'avais su, j'aurais mangé sa part de dîner, tiens.

Acte VI :
Ce matin, il commençait à 10h. Il s'est levé à 8h30. Il n'avait pas de douche à prendre : juste des vêtements à enfiler et un bol de céréales à avaler, ce qui doit prendre en tout, disons, vingt minutes en prenant son temps.
La salle de jeu, à votre avis ?
Réponse en images :



Il veut la guerre ? Il l'aura. Je lui ai confisqué sa DS et son ordinateur portable. Et depuis tout à l'heure, je cherche tout ce que je pourrai lui déléguer comme corvées, lui à qui je ne demande guère plus que mettre la table tous les soirs, ranger la salle de jeu une fois par semaine, et très occasionnellement vider le lave-vaisselle. Plier les deux énormes bassines de linge propre quotidiennes, et ranger les vêtements... Laver les casseroles à la main... Changer les draps des lits... Ranger les courses qui me seront livrées cet après-midi... D'autres suggestions ?
(Non, pas le dîner à préparer, je veux un repas correct... Ou alors, je me lance dans un gratin dauphinois XXL et je lui fais éplucher les patates ?)





8 commentaires:

  1. Ficelle for ever7 avril 2015 à 11:50

    Ah les ados, un vrai bonheur d'en entendre parler par ceux qui en ont!
    Dis donc, pour sauter le dîner il doit être drôlement vexé. Ou repu de chocolat. Et vexé.

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    1. Oui, moi aussi j'ai pensé que les chocolats de Pâques avaient dû aider...

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  2. Je punissais avec des travaux d'intérêt généraux sur le thème "tu m'as fait perdre du temps et de l'énergie avec tes bêtises, alors tu me les rends en faisant le ménage". Donc, oui, bien sûr, vider les poubelles de toutes les pièces de la maison, éplucher les patates, défaire les lits de tout le monde (parce que les refaire, faudrait surveiller), passer l'aspirateur, faire les vitres... Encore ?

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  3. Au risque de me mêler de ce qui ne me regarde pas, est-ce que le Grand n'est pas un peu... grand pour ranger la salle de jeu? Est-ce que ne sont pas maintenant les plus jeunes qui l'utilisent davantage et qui y mettent le bazar? Ce n'est sans doute pas le bon moment, là maintenant pendant la crise, mais vous pourriez lui proposer de choisir une autre tâche, sachant que faire choisir une sur une liste par exemple est toujours mieux qu'imposer. Bon je dis ça vu de loin, hein, désolée si je m'immisce... Mais pendant que j'y suis, j'en rajoute une couche: on est toujours plus sévère avec le premier, et on a donc aussi plus de mal à gérer les caprices d'adolescence de l'aîné. Les suivants ne sont pas forcément plus faciles, mais ça passe mieux car on se pose moins de questions. Je parle par expérience (regrets d'avoir été parfois dure avec notre grand) et plaide donc pour un peu d'indulgence et une sortie de crise négociée où le Grand n'aura pas le sentiment de perdre la face. Bon courage!

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    1. Bien sûr qu'il n'utilise pas tellement la salle de jeux. Mais moi non plus ! Je ne veux pas qu'il la range parce qu'il l'a dérangée, mais juste pour participer aux corvées générales. Il ne proteste pas contre cette tâche en particulier, mais contre le fait de devoir sacrifier une demi-heure de son temps une fois par semaine... Aucune autre tâche ne lui fait plus envie, je lui ai déjà posé la question.

      Et je sais bien qu'on est souvent plus sévère avec le premier, mais je crois que lui a beaucoup profité du fait que j'ai été très prise par un cycle grossesses / bébés quand il a atteint l'âge de raison. Je n'ai pas pris le temps d'insister sur la notion de collectivité. Et je ne l'ai pas non plus envoyé en colo ou chez les scouts. Résultat, il a certes appris à faire ses devoirs sans surveillance ou aller à l'école tout seul longtemps avant les autres enfants de sa classe, mais il ne lui viendrait JAMAIS à l'idée de proposer son aide s'il nous voit en train d'étendre le linge, ranger les courses ou éplucher des légumes... et il râle, beaucoup, si on le lui demande.

      Ah, et il a beaucoup de mal à reconnaître ses torts, aussi. Ce n'est pas l'adolescence, il a toujours été comme ça. Il préfère se draper dans sa dignité et accuser que s'excuser. S'il avait demandé aimablement un délai, je me connais, j'aurais cédé tout de suite : je n'ai strictement aucune rancune.

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    2. C'est vrai, tu n'es pas rancunière.
      Le grand exagère tout de même, comme tous les ados. La Miss est un peu comme ça sur certaine points ("je n'ai jamais tort"). En revanche, elle participe sans trop rechigner sur les corvées type : lave-vaisselle, repas, mettre la table, balayer les escaliers....
      Mais dimanche, lorsque je lui ai demandé de ranger son bureau (la pièce, pas le meuble...), elle m'a répondu : "Mais je l'ai déjà rangé la semaine dernière...."

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  4. Je vois qu'ils sont bien tous pareils ! À 9 et 7 ans, mes fils ne sont pas encore ados, mais on leur demande très peu de choses à la maison. En gros : mettre la table et débarrasser leur assiette, ranger leur pyjama dans la salle de douche quand ils ont fini de s'habiller le matin, pour les avoir en sortant de la douche le soir - logique ! -, et ranger leurs chambres de temps en temps quand on commence à ne plus trop voir le sol (même si j'essaie de faire en sorte qu'on n'en arrive pas à ce stade). Chaque fois, on a droit à de gros soupirs de lassitude et d'énervement. Ce qui m'agace prodigieusement !
    Je les enverrais bien faire un stage de tissage de tapis en Inde, tiens.

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  5. Quand j'étais petit, la participation aux tâches était tacitement la contrepartie de l'argent de poche. Même si évidemment, il y a une part de gentillesse sans contrepartie, dans un sens comme dans l'autre.

    Est-ce que le Grand perçoit de l'argent de poche? (moyen de pression, gniark) (plus honnêtement, les commentaires virent trop à la conspiration des mères, il faut un avocat du petit diable).

    Ca peut devenir intéressant d'apprendre à programmer une lessive ou à se préparer un repas, quand on devient un adolescent, mais bizarrement ça demande un changement dans les rôles. Mes parents étaient tellement campés sur le rôle de ceux qui font la bouffe et programment les lessives, que j'ai appris à faire ça que tardivement. Vers 20ans il y a eu encore des moments où ma mère avait du mal à me laisser la cuisine, renforçant paradoxalement le rôle de la mère qui tient à sa cuisine. "Oui maman, c'est normal que la plaque de cuisson soit sale pendant qu'on cuisine. Fait moi le reproche si la cuisine est sale à la fin, pas pendant".

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