dimanche 30 novembre 2014

Calendriers de l'avent

— Tu ne vas pas avancer ta traduction, ce soir ? On regarde un film, alors ? me propose Darling, plein d'espoir.
— Ben non... Demain, c'est le 1er décembre, tu sais...
— Et alors ?

Et alors, nous avions du travail.


Quatre calendriers de l'avent en bois à remplir, avec exactement la même chose chaque jour pour chacun des gamins, pour éviter tout drame du genre "Oh mon dieu, mon frère a un bonbon au citron alors que le mien est à l'orange, il faut que je mette le monde entier, ou du moins tous les habitants du quartier n'ayant pas fait insonoriser leurs murs, au courant de ce scandale".

Ensuite, j'ai eu des velléités de fabriquer chacune des 24 pièces du calendrier de l'avent Lego, pour éviter les conflits, mais devant l'ampleur de la tâche, j'ai renoncé, et je me suis contentée d'ouvrir les sachets.



A ce stade, le plus dur était fait : il ne restait plus qu'à trouver une place dans le salon pour ces cinq calendriers-là, et aussi pour : un calendrier classique, en carton avec chocolats, envoyé par ma belle-mère ; un calendrier-cahier avec 24 dessins à colorier ; un calendrier-album avec un mini-livre à raconter chaque jour, et une bougie-calendrier à brûler petit à petit.

Ah, et aussi mon calendrier à moi, bien sûr, rempli par le Grand de chocolats Quality Street que je me suis acheté toute seule comme une grande. Noël, ce n'est pas que pour les mioches, pas vrai ?

(Quand je pense qu'un ami de passage était tout désolé d'avoir oublié de m'apporter le calendrier de l'avent Kinder qu'il avait acheté exprès pour nous, j'ai presque envie de rire...)

samedi 29 novembre 2014

Dédicaces en série

"Bonjour, tu as des livres à faire signer ? Oui, c'est lui l'auteur, mais il ne parle pas français, je suis son interprète. Quel est ton nom ? Tu peux l'épeler ? Tu as lu beaucoup de ses romans ? Quel est ton préféré ? Tu veux un autocollant ? Bonne lecture !"


Environ deux cent fois. Rien que pour cet après-midi. Autant ce matin. Et autant hier.

L'avantage, c'est que maintenant, je peux faire des statistiques très détaillées sur les prénoms les plus portés par les bons lecteurs entre 11 et 17 ans.

(Une chose est sûre, c'est que cette année, je ne me suis pas ennuyée au Salon de Montreuil. Dès que je toucherai à nouveau terre, je vous en donnerai quelques extraits.)

vendredi 28 novembre 2014

Angoisse au jardin

Ce matin, un monsieur qui me donne parfois un petit coup de main avec les travaux de jardinage vient arracher un buisson mal placé. Je l'accompagne dans le jardin derrière la maison, et une fois là, je m'arrête net, horrifiée, en découvrant mon beau figuier complètement déplumé, alors qu'il était parfaitement bien portant hier encore. Je glapis :
— Oh la la, qu'est-ce qui est arrivé à mon figuier pour qu'il perde toutes ses feuilles comme ça ? Il y a eu une tempête ? Un gamin a essayé de grimper dessus ? Il est malade ? C'est grave, vous croyez ? Qu'est-ce qui a bien pu se passer ?
Le monsieur me regarde, un peu étonné :
— Ben, heu... C'est l'automne...

jeudi 27 novembre 2014

Vélo fleuri

"Quand j'ai vu ça, j'ai tout de suite pensé à toi", m'a dit cette amie, qui a vaillamment trimbalé son cadeau dans le métro et le RER à l'heure de pointe, preuve suprême de dévouement s'il en est.

Ah bon, pourquoi ?



"Il me semble que tu n'es pas trop intolérante au kitch", a-t-elle ensuite ajouté (décidément, elle me connaît bien).


Plus qu'à essayer de se rappeler d'arroser les plantes de temps en temps...

("Vélo, pas ma'che !" a protesté le Filou, déçu, en constatant que les roues étaient fixes.)

mardi 25 novembre 2014

Les yeux ouverts

— Maman, il fait trop noir dans ma chambre ! se plaint Mr Thing Two.
— Mais non, tu vas t'habituer à l'obscurité. Et tu as une veilleuse.
— Mais je ne vois pas le dessin du tableau !
— Moi, je le vois déjà assez bien. De toute façon, tu n'as pas besoin de tout voir en détail, puisque tu vas dormir.
— Mais moi, je dors les yeux ouvert, toujours toujours !
— Allons bon. Tu es sûr ?
— Ah oui, très sûr !
— Pourtant, quand je sors le soir, et que je reviens tard alors que tu es déjà couché, et que je viens te faire un bisou dans ton lit, je te garantis que tu as toujours les yeux fermés...
Il se tait, un poil décontenancé, puis :
— C'est juste parce que je les ferme très vite quand tu entres, comme ça tu crois que je dors !


(C'est curieux, non, cette tendance qu'ont certaines personnes à vous jurer qu'elles ne dorment jamais, comme si c'était une activité un peu honteuse ? Ma grand-mère en faisait partie. Chaque soir, agenouillée sur ses mots croisés, elle piquait du nez vers son magasine, ses lunettes tombaient sur la table, son stylo roulait à terre, et elle se mettait à ronfler effroyablement – franchement, elle aurait fait concurrence à une motocyclette. Mais quand je la secouais pour lui proposer d'aller au lit et qu'elle réussissait enfin à sortir de son assoupissement, ce qui lui prenait parfois plusieurs minutes, elle se redressait toujours brusquement et me soutenait qu'elle n'avait pas fermé les yeux un seul instant...)

(Sur ce, je vais me coucher – et vous pouvez me croire, mes yeux à moi vont se fermer bien vite !)

lundi 24 novembre 2014

Premiers ateliers d'écriture

Quatre groupes. Les montagnes russes. Un groupe bien réveillé ; un groupe très dissipé ; un groupe intéressé ; un groupe assez déprimé. Nous avons commencé par quelque chose de facile : avec les plus jeunes, des liste de choses à ne pas faire, avec exemples, à classer par ordre d'importance (pas évident, mais tout le monde s'est mis d'accord sur le fait que tuer quelqu'un, ce n'était pas super sympa) (voilà qui devrait rassurer Darling), et avec les grands, des listes de petits bonheurs et moments de plaisir (curieusement, aucun n'a osé dire "écrire sur les murs" ou "faire l'école buissonnière").
J'en reviens avec une grosse migraine, quelques jolies phrases, le vague sentiment d'être une imposteuse (j'ai ressenti la même chose quand j'ai traduit mon premier roman, ou quand j'ai fait l'interprète pour la première fois, donc je me dis que ça va passer), une admiration sans borne pour ceux et celles qui ont volontairement décidé de travailler avec ces enfants parfois difficiles, et la promesse de retourner là-bas en janvier. Parce que tout de même, entendre ce gamin rigolard expliquer qu'il ne faut pas faire pipi sur le lit d'un camarade (heu ?), ou cet autre ultra-timide chuchoter que ce qui lui fait vraiment plaisir, c'est d'aller cueillir des champignons dans la forêt en famille, ou cette grande bavarde avouer que son moment préféré de la journée, c'est quand elle lit un roman avant de s'endormir, cela valait le déplacement...

dimanche 23 novembre 2014

Chien pas méchant mais presque


(Désolée, je fais court, je suis rentrée dans ma semaine de vie sociale intense...)

vendredi 21 novembre 2014

Ma vie sociale (brièvement) trépidante

Un traducteur littéraire travaille à domicile. Cela signifie que bien souvent, il ne sort pas de chez lui et ne voit personne pendant les horaires de bureaux : pas de collègues, pas de bavardages devant la machine à café, pas de déjeuner d'affaires, pas de trajets en métro, pas de réunions, pas de shopping à l'heure du déjeuner, pas de chouquettes du lundi matin ou de thé du vendredi soir ou de pot de départ en congé maternité (ces dernières lignes sont dédiées à mes anciens collègues de bureau) (surtout à celle qui nous achetait les chouquettes).

Les parents qui ont des enfants en bas âge ne sortent pas très souvent le soir. Scrupules de laisser ses enfants à une jeune fille quasi-inconnue (scrupules envers la pauvre jeune fille, bien entendu ; pas envers les sales mioches...), prix de la soirée multiplié par trois à cause du baby-sitting, certitude de devoir se lever à 7h le lendemain matin pour préparer les biberons même si c'est un dimanche, nécessité de s'organiser longtemps à l'avance... Quand il n'y a qu'un seul gamin, on se débrouille encore, on trouve des baby-sitters sans trop de difficulté, on emmène parfois le môme quand on est invité à dîner, ou on profite lâchement des bonnes volontés des grands-parents pour aller au cinéma, mais quand il y en a deux, trois, ou même quatre, c'est nettement plus compliqué.

Du coup, quand on est une traductrice mère de famille nombreuse, et qu'en plus on habite en banlieue (où les amis n'ont pas toujours le courage de venir) et dans une rue pavillonnaire (où il n'y a pas un seul magasin avec des gens dedans), on a une vie sociale qui frôle parfois le coma prolongé. C'est bien simple, il m'arrive de passer des semaines entières sans voir personne d'autre que des membres de ma famille et l'assistante maternelle du Filou, et de me réjouir follement à l'idée que le vendredi soir, je vais aller chercher mon panier de légumes et donc peut-être discuter deux minutes de la pluie et du beau temps avec la caissière.

Cette situation est parfaitement résumée par Nathalie Jomard, illustratrice – un autre métier solitaire – et mère de deux grumeaux, auteure d'un excellent blog BD, Petit précis de Grumeautique :
 

Et puis tout à coup, en consultant mon agenda des prochains jours, j'y ai découvert :
- Deux rendez-vous avec deux éditrices différentes ;
- Une amie, puis une autre amie, puis un ami, qui vont occuper mon canapé-lit à tour de rôle presque sans interruption ;
- Une pièce de théâtre un soir ;
- Un voyage dans l'Est pour animer une journée d'ateliers d'écriture ;
- Deux mission d'interprétariat au Salon de Montreuil (salon du livre jeunesse) ;
- Deux journées d'accompagnement d'un auteur, y compris lors d'un voyage au Nord.

Tout ça en dix jours, alors que normalement, je n'en ai pas autant en trois mois.

C'est bien simple, je crois que je ne vais pas déjeuner seule – comme tous les midis – ou dîner juste avec mes gamins – comme presque tous les soirs – plus de deux fois avant la fin du mois de novembre.


N'ayant pas, contrairement à d'autres, choisi ce métier par agoraphobie ou misanthropie, et étant au contraire fort sociable et pas du tout timide, je vous avouerai que je suis absolument ravie. Tout excitée à l'idée de rencontrer des gens, dont des inconnus, de sortir, d'aller dans des lieux où je n'ai jamais mis les pieds, de voir autre chose que mon ordinateur, d'avoir des discussions intéressantes, de sortir de ma routine.

Ma seule crainte est de m'habituer. Comment ferai-je, en décembre, pour me réjouir à l'idée que nous n'avons plus de doliprane et qu'il va falloir passer à la pharmacie en racheter ?

jeudi 20 novembre 2014

Le Graal du traducteur jeunesse

Mon Graal à moi, en tous cas, depuis que j'ai débuté dans ce métier.


Ce matin, j'avais mon premier rendez-vous avec une éditrice rue de l'Université, et j'ai signé mon premier contrat avec la meilleure maison d'édition jeunesse en France. Je suis fière, fière comme vous ne pouvez pas imaginer. Je suis arrivée au sommet de ma carrière de traductrice.



Du coup, qu'est-ce que je fais maintenant, je change de métier ?


mercredi 19 novembre 2014

Crêpophobie

J'ai acheté à prix d'or des kakis* bios, mûrs à point, délicieux. Je fais goûter un morceau à Mr Thing Two, qui le prend avec enthousiasme, le mâche trois secondes, et le recrache aussi sec. Cela m'étonne, car il aime les mangues, les pêches, et tous les fruits en général, mais comme il a goûté, je ne peux rien dire. Je fais ensuite goûter à Miss Thing One, mais je dois la menacer de la priver de sa crème au chocolat quotidienne pour lui faire avaler un morceau. Pendant qu'elle mastique d'un air dégoûté, son jumeau ne cesse de décréter avec conviction :
— Beurk ! C'est pas bon, les kakis !

Même jeu avec le Filou, que j'interromps au milieu de sa dégustation d'une crème au chocolat, lui aussi, sauf que lui, je dois lui ouvrir la bouche de force pour lui faire goûter. Bien entendu, lui aussi prétend qu'il n'aime pas. Mais comment faire autrement, avec son grand frère qui continue à répéter à l'envi que "Beurk", et que "C'est dégoûtant" ? Je finis par me fâcher :
— Ah, mais arrête de dire ça ! Et vous deux, vous n'êtes pas obligé d'avoir les mêmes goûts que votre frère, hein ! Ce n'est pas parce qu'il n'a pas aimé que vous devez trouver ça mauvais ! Pour mémoire, je vous rappelle qu'il n'aime pas la crème au chocolat. Pire, il n'aime pas les crêpes ! Vous voyez bien qu'il est bizarre !

Mr Thing Two se tait quelques secondes, visiblement vexé. Puis il contrattaque :
— Oui, mais si j'aime pas les crêpes, c'est parce que j'ai une maladie, d'abord !

Ah, d'accord, je comprends mieux...

*Je me suis toujours demandé pourquoi on a donné le nom de ce fruit d'un superbe orange vif à une couleur si laide...

mardi 18 novembre 2014

Le petit coucher du Filou

— Non, Fifi a pas do'mi ! Fifi pas au lit !
— Oh que si, tu vas aller au lit.
— Non ! Raconter un lire ! Lire à Fifi !
— Tu rigoles ? Tu as déjà eu deux livres. Allez, hop, au lit !
— Pipi ! Fifi a pipi !
— Il y a deux minutes, tu as refusé d'y aller ! Bon, d'accord, je te mets sur le pot. Ça y est ? Alors au lit !
— Pas au lit, pas au lit ! Encore un lire ! Câlin maman ! Câlin papa ! De l'eau, Fifi a foif ! Maman a chanter, Dodo fontaine ! Câlin maman ! Fifi a f'oid, gli gli gli ! Non, pas couette, a chaud ! Encore de l'eau ! Fifi a pipi ! Deux doudous ! Câlin papa !
... etc., jusqu'à ce que je finisse par sortir de la chambre, excédée, tandis qu'il continue à m'appeler tant et plus. Et encore, j'ai eu de la chance ce soir, je ne l'ai pas lâché : avant-hier, il était allé se cacher dans un coin de la penderie tellement hors d'atteinte que je n'avais pas réussi à le sortir de là. J'étais donc sortie de la chambre en éteingnant la lumière, attendant de pied ferme les hurlements... qui n'étaient pas venus. J'avais fini par craquer et par aller le chercher en lui promettant un dernier livre s'il mettait le nez hors de son trou.
Décidément, me dis-je en descendant l'escalier, il ne faut pas trop qu'on se dépêche d'installer le Filou dans un lit sans barreaux : ça pourrait rendre le couchage encore plus compliqué...

 Je vais coucher Mr Thing Two, selon le rituel : une chanson, un câlin, un verre d'eau, et parfois une question existentielle (ce soir : "Maman, pourquoi toujours on va à l'école et toujours on dort ?") (Quatre ans et demie, et déjà en révolte contre la routine boulot-dodo, ça promet). Miss Thing One est sûrement déjà en train de dormir, ou du moins de sucer son pouce les yeux fermés (je commence toujours par elle : ça ne prend que deux minutes). Il faut encore "coucher" le Grand, ce qui consiste essentiellement à éteindre sa lampe de chevet, mais même s'il est bien trop grand pour qu'on le borde ou qu'on lui chante une berceuse, il tient beaucoup à ce qu'on fasse acte de présence au moment de dormir.

Quand j'ai terminé, je me résigne à retourner voir le Filou, qui continue à m'appeler de toute sa voix : "Maman ! Maaaaaaman !". Je m'attends à le trouver debout dans son lit, bien sûr, mais en réalité, quand j'entre dans la pièce, je le vois...
... debout sur la barrière de son lit à barreaux, appuyé contre sa commode, la tête à environ deux mètres du sol.
Du coup, je me dis que passer à un lit d'enfant sans barrière aurait des avantages, en fin de compte. Surtout, je regrette la gigoteuse attachée au lit. On ne fait pas des gigoteuses taille 4 ans, par hasard ?

(Ou alors, je lui installe un lit au fond de la penderie ?)

dimanche 16 novembre 2014

Devinette (objet mystère)

A votre avis, qu'est-ce que c'est ?

On pense tout de suite à un smartphone (éteint), bien sûr, mais ce serait un smartphone pour géant, alors, parce que c'est plus grand que moi :

(Désolée pour la mauvaise qualité des photos)

Vous connaissez ?

(Si ça se trouve, tout le monde en a déjà vu, et je vais être ridicule. Moi je n'avais jamais rien vu de tel...)



samedi 15 novembre 2014

Christmas pudding

Un mélange improbable comprenant, entre autres, de la mie de pain, de la bière, de la graisse de rognons*, de la mélasse, des œufs, et pas moins de trois sortes différentes de raisins secs ;
Une nuit de repos hors du frigidaire ;
Six heures de cuisson au bain-marie, dans une casserole où il faut ajouter de l'eau toutes les demi-heures, au fur et à mesure qu'elle s'évapore ;
Et cinq semaines d'attente, au minimum, avant d'être consommé.

Franchement, je me demande quel est l'esprit tordu qui a inventé le Christmas pudding ?


(C'est la première fois que j'en fais, je me demande ce que ça va donner ! Mais il faut avouer que ça sent plutôt bon : épices, agrumes, fruits confits, tout à fait ce qu'il faut pour se convaincre qu'on est bel et bien en période pré-noël. Selon la tradition, tous les enfants de la maisonnée doivent remuer tour à tour le mélange en faisant un vœu. Les trois aînés s'y sont pliés ; Le Filou, lui est parti en criant "Beurk ! A pas bon, ça !", et n'a jamais voulu admettre qu'on voulait juste lui faire toucher la cuillère et non pas goûter à cette pâte peu ragoûtante. Plus qu'à attendre Noël pour voir quel goût ça a une fois cuit, réchauffé, et servi avec de la crème anglaise !) (Tout de même, je me demande si je ne vais pas prévoir un plan B pour le dessert du jour J, par précaution...)

*Remplacée chez moi par du saindoux (déjà bien assez difficile à trouver en région parisienne).

vendredi 14 novembre 2014

La faute à qui ?

Des points bleus, visiblement tracés avec un feutre, sont apparus sur le mur blanc de la salle de jeu.
— Qui a fait ça ? je m'indigne.
— Ce doit être un des trois petits, lance le Grand.
— Pas Fifi a fait ! se défend le Filou.
— Je pense que c'est Mr Thing Two, avance Miss Thing One.
— Non, c'est le Filou ! contrattaque Mr Thing Two.
Je ne sais plus quoi penser. Le dernier suspect qui me reste, c'est moi...

(Du coup, avant de les coucher, suite à une suggestion du Grand, je leur ai raconté Petit Ours Brun fait une bêtise : celui où Petit Ours Brun dessine sur les murs et se prend une fessée...)

jeudi 13 novembre 2014

La praxis homilétique, et autres considérations linguistiques

Franchement, j'aimerais bien écrire un petit billet sympa et drôle, mais je viens de passer la journée sur des phrases telles que La praxis homilétique des ordres prêcheurs statutairement itinérants est faite de mélanges linguistiques interrégionaux dont dérive le macaronisme latino-vulgaire qui finira par se stabiliser au cours la deuxième moitié du XVe siècle, en particulier dans la région padano-vénitienne, pour former un "genre". Je vous jure. Après quoi l'auteur nous affirme (et je me garderai bien de le contredire) que ce qui constitue le substrat de l’expérimentation de la poésie macaronique, ce sont entre autres les satires goliardiques – on pense en particulier à Repetitio Zanini d'Ugolino Pisani, jouée en 1435.
Non, vous ne pensiez pas à Repetitio Zanini, vous ?

La seule bonne nouvelle dans tout ça, c'est qu'au bout de dix jours à plancher sur ce "petit article" que je traduis pour une amie (mais je suis payée, je vous rassure) (enfin, je le serai dans trois mois, on ne va pas chipoter), je comprends presque ce que ça veut dire. Si, si. Je regrette juste de ne pas beaucoup avoir l'occasion de replacer ces nouvelles connaissances dans des conversations, parce que ça ferait chic, je trouve. "Non mais c'est vrai qu'il est drôlement chouette, ce bouquin, quoique la morale soit un peu lourdingue, limite homilétique, tu ne trouves pas ?"

Bref, je vais finir par en venir à bout. Et lundi, je dois commencer un roman très commercial et mal fichu avec des animaux qui parlent et qui luttent pour le Bien, et parfois aussi contre le Mal.
Je vais vous avouer une chose : j'ai hâte.


PS : Je viens d'apprendre que nul n’a encore tracé une histoire exhaustive de la littérature et de la culture bergamasque entre le XVe et le XVIe siècle, dans son double aspect de production à la bergamasque, autrement dit en bergamasque, et de production de bergamasques, c’est-à-dire de production dialectale réglementaire d’auteurs qui utilisent pertinemment et sciemment des formes rustiques et d'origine vernaculaire à des fins littéraires, une production marquée soit par une contamination générique au milieu d’une koinè régionale plus diffuse, soit par une expérimentation intentionnellement parodique (je vous fais grâce des exemples). Franchement, c'est dommage que personne n'ait encore pondu un bouquin là-dessus, non ? Il faudrait se lancer : il y a une niche, à mon avis.

PS² : Mon père adoptif, après avoir lu quelques lignes de mon article, m'a envoyé cette citation :
Ce qui distingue les langues néo-espagnoles entre elles et leurs idiomes des autres groupes linguistiques, tels que le groupe des langues autrichiennes et néo-autrichiennes ou habsbourgiques, aussi bien que des groupes espérantiste, helvétique, monégasque, suisse, andorrien, basque, pelote, aussi bien encore que des groupes des langues diplomatique et technique — ce qui les distingue, dis-je, c’est leur ressemblance frappante qui fait qu’on a bien du mal à les distinguer l’une de l’autre — je parle des langues néo-espagnoles entre elles, que l’on arrive à distinguer, cependant, grâce à leurs caractères distinctifs, preuves absolument indiscutables de l’extraordinaire ressemblance, qui rend indiscutable leur communauté d’origine, et qui, en même temps, les différencie profondément — par le maintien des traits distinctifs dont je viens de parler.
Ionesco, La leçon.



mercredi 12 novembre 2014

Gâteau vélo

Ce soir, l'association de cyclistes auxquels j'ai adhéré l'année dernière (ceux qui m'ont poussée à déposer un recours contre le maire de ma commune quelques semaines après mon emménagement, parfaitement) organisait une soirée sur le thème du vélo (sans blague ?) au théâtre de la ville. Au programme : projection d'un film sur l'histoire des déplacements en vélo de 1900 à nos jours, débat, mais aussi exposition d'affiches d'époque et buffet.
Il y avait cette affiche-là, par exemple. Elle est pas mignonne, cette jolie cycliste qui fait la nique aux voitures et même aux avions ?

(Cliquez pour agrandir)

On m'avait demandé de me porter bénévole pour l'organisation de la soirée. Après une longue hésitation de trois dixièmes de seconde, j'ai choisi de participer à la préparation du buffet. J'ai fait une tarte salée, deux tartes sucrées, et des brownies. Et avec mes productions, sur la table consacrée au sucré, j'ai réalisé ceci :


C'est à peu près le summum de ce que je suis capable de faire en déco culinaire, mais j'étais tout de même assez fière de moi. Enfin, en toute franchise, j'étais encore plus fière quand tout a été dévoré jusqu'à la dernière miette...


mardi 11 novembre 2014

Consciencieux

Je pose un risotto aux légumes sur la table. Le Filou pousse les hurlements habituels. Miss Thing One ne sort pas son pouce de sa bouche. Mr Thing Two râle pour la forme :
— Moi, j'aime pas le risotto.
— Mais si. Tu dis ça à chaque fois que j'en fais, mais en fait tu aimes bien !
— Non, cette fois c'est vrai, j'aime pas !
Il me laisse néanmoins remplir son assiette et la termine jusqu'à la dernière cuillerée. Puis il me la tend à nouveau. Je le ressers en le taquinant :
— Alors, on dirait que tu aimes ça, finalement ?
— Mais non !
— Ah bon ? Mais tu as tout mangé, et tu en reprends !
— C'est parce que je goûte !

(Sur quoi il a "goûté" à nouveau jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien dans son assiette. On applaudit bien fort son sens du sacrifice.)

dimanche 9 novembre 2014

Dépenses inconsidérées

- Chez l'opticien, des nouvelles montures pour Mr Thing Two qui a cassé ses lunettes : 100 euros.
- Chez Darty, une nouvelle table de cuisson avec cinq feux, pour remplacer ma superbe table mi gaz mi induction très chère que j'ai cassée après dix mois d'utilisation (plus jamais de verre, même s'il faut me passer de l'induction) (j'aurais dû me méfier, je me connais, pourtant) : 300 euros.
- Sur Le bon coin, un lit pour le Filou qui ne va pas pouvoir rester encore très longtemps dans son lit à barreaux, lit que je suis allée chercher en triporteur dans la commune voisine : 100 euros.
- Chez Picard et au marché, des courses d'appoint : 100 euros.
- Sur Le bon coin encore, des étagères Lundia (sans commentaire) : 300 euros.
- Sur Amazon, un doudou de remplacement pour le Filou qui en a perdu un (nous le retrouverons sans doute le lendemain de l'arrivée du doudou neuf, ou dans deux ou trois ans dans un endroit improbable), et par la même occasion, des DVD en promotion : 50 euros.
- Sur eBay, des mugs Disney pour compléter ma collection, mugs dont je n'avais absolument pas besoin (ça m'apprendra à créer des alertes, je n'ai pas pu résister) : 50 euros.

Et voilà comment, en un seul weekend tout à fait ordinaire, sans même s'en rendre compte, on dépense 1000 euros.

(Gloups)
(Ce n'était pas le moment, en plus)




samedi 8 novembre 2014

Serré ?

Courses d'appoint. J'ai Mr Thing Two dans la main gauche et un panier de légumes dans la main droite. Pour une fois, Miss Thing One ne fait pas de caprice et accepte de me tenir par un pan de vêtement. Elle passe sa main sous mon T-shirt, agrippe ma ceinture, puis s'exclame, de sa voix nasillarde qui porte loin :
— Ton pantalon, il est trop serré, maman !
— Mais non, il ne me fait pas mal, je t'assure !
Elle n'est pas convaincue :
— Mais alors, pourquoi est-ce que ça fait une bosse de peau au-dessus ?

Ou comment faire remarquer à tous les clients du magasin à cinq mètres à la ronde que sa mère a des bourrelets.

vendredi 7 novembre 2014

Sur sa faim

Le Grand râle. Il n'a eu "que" deux saucisses pour le dîner, et il voudrait en reprendre. Je m'y oppose fermement :
— Non, la dernière est pour papa, comme ça il en aura eu deux, lui aussi. Autant que toi ! Tu trouves ça normal ?
— Ben oui !
— Pourtant, à chaque fois que je sers à Mr Thing Two la même portion qu'à toi, tu râles, parce que tu trouves ça injuste...
— C'est normal, il est beaucoup plus petit que moi !
— Et toi, tu n'es pas beaucoup plus petit que papa, peut-être ?
— Si, mais ce n'est pas pour ça que j'ai moins d'appétit ! Si tu me nourrissais à ma faim, je mangerais beaucoup plus !

Quiconque connaît mon côté "mamma italienne" ou a déjà vu les quantités astronomiques que je prépare à chaque fois que je fais la cuisine appréciera l'ironie de cette accusation...

jeudi 6 novembre 2014

Dossier suspendu

Mardi, 12h40, je reçois un email :

Chère Madame,
Suite à la traduction que vous allez effectuer pour l'université de Machinchose, nous avons besoin de plusieurs renseignements pour effectuer le paiement. Veuillez donc remplir le dossier ci-joint, et y ajouter les documents listés en annexe. A cause des délais de clôture de la comptabilité, je vous prie de m'envoyer tout cela avant 16h.
Bien cordialement,
Arlette Compta

Les documents demandés : photocopie de la carte d'identité, de la carte vitale, du permis de conduire, de la carte d'étudiant (?), du RIB, et de tous les contrats de travail précédents (sans rire). Dossier à compléter : expériences similaires précédentes, connaissances en informatique, liste des diplômes, dates de séjour à l'étranger, etc.

Ma réponse :

Chère Madame,
J'ai actuellement un bébé avec 39,8°C dans les bras (je tape ceci avec une seule main), et j'ai rendez-vous chez le médecin dans deux heures. Je suis vraiment désolée, je ne pourrai pas vous envoyer tout cela avant 16h. De toute façon, est-il vraiment indispensable que je passe trois heures à remplir ce dossier pour traduire un article de quelques pages ? Vous trouverez tous les renseignements indispensables (date de naissance, numéro de sécu, adresse etc.) dans le document que je vous ai déjà envoyé.
Bien cordialement,
Fofo

Sa réponse, que je trouve le lendemain, au retour de l'hôpital :

Chère Madame,
Dans ces conditions, merci de m'envoyer le dossier entièrement complété dans les jours à venir. Étant donné que la limite pour les demandes de rémunération de novembre est aujourd'hui, et qu'aucun paiement n'est effectué en décembre, vous serez donc rémunérée fin janvier.
Bien cordialement,
Arlette Compta

Je suis toujours sidérée par la désinvolture avec laquelle on nous annonce que finalement, le paiement sera effectué dans trois mois...

mercredi 5 novembre 2014

Une nuit aux urgences

(Avertissement : ce billet est très long. Mais beaucoup moins long que la journée et la nuit qu'il raconte, croyez-moi.)

Avant-hier soir, au moment du dîner, lorsque le Filou, au lieu de venir regarder ce qui se trouvait dans la casserole et se mettre à hurler de rage ("Non ! Pas riz ! Beurk, riz ! Fifi, a veut pas ! A pâtes ! Sinon, Fifi, a pa'ti ! Pati, Fifi ! A'roir, maman !") (je soupçonne l'ass-mat de lui lire Le petit Nicolas pour l'endormir à la sieste) pour finalement avaler avec résignation quelques cuillerées de risotto au fenouil, puis se gaver de fromage (sans pain, ça gâche le goût du fromage) et enchaîner sur plusieurs desserts, lorsque, disais-je, au lieu de se comporter comme d'habitude, le Filou est resté allongé sur le canapé et a réclamé d'aller au lit, j'ai tout de suite compris que j'allais passer une mauvaise nuit. S'il a pu arriver très occasionnellement que cet enfant se passe de dîner suite à un caprice particulièrement violent (ou un goûter particulièrement abondant, mea culpa), jamais il n'a réclamé son lit, jamais.

A 20h, il avait 39,5°. Doliprane, puis Advil à 23h (pas bien, et même dangereux, m'a répété le médecin, mais les habitudes sont dures à perdre : à l'époque du Grand on alternait les deux, et j'avais vraiment pitié du Filou fiévreux) (et surtout, je voulais dormir) (je suis la pire des mères indignes) (d'accord, je ne le ferai plus), puis Doliprane à 2h du matin, puis Advil à 5h, puis Doliprane à 8h. Et entre chaque prise, de l'eau, tous les quarts d'heure en moyenne, sauf entre 3h et 5h du matin. J'ai dormi deux heures, donc. Et l'enfant, pas beaucoup plus.
Rien n'y faisait. Doliprane, Advil, eau, déshabillage, lingette mouillée sur le front : il est resté entre 39° et 40° toute la nuit. Il a vomi deux fois l'eau avalée, aussi.

Au matin, j'ai appelé le médecin. Normalement j'attends au moins 24h, souvent 48h, et souvent ça passe comme c'est venu ; mais cette fois, il n'était pas bien. Pour de vrai. Pas juste grognon : il ne quittait pas mes bras, il pleurait ou somnolait tout le temps, il grelottait de froid avec les extrémités glacées mais brûlait de fièvre... Il n'avait rien avalé d'autre qu'un biberon, qu'il a vomi aussitôt. Le médecin m'a donné rendez-vous à 15h. J'ai passé toutes ces heures d'attente avec une serpillière geignante et bouillante dans les bras. J'ai réussi à le poser dix minutes vers midi pour grignoter un bout de pain et de fromage, mais j'ai dû le reprendre avant d'avoir terminé mon yaourt. Enfin, l'heure du rendez-vous est arrivée. Hélas, le médecin n'a rien trouvé. Pas d'otite, pas d'angine, pas de méningite, pas de diarrhée, alors quoi ? Une infection urinaire ? Direction le labo. Prise de sang et analyse d'urine. On vous appellera. En attendant, donnez du Doliprane. Je suis rentrée à la maison avec le Filou, plus malheureux que jamais d'avoir été piqué par l'infirmière et déshabillé deux fois alors qu'il avait froid. Le pauvre, il n'était pas au bout de ses peines.

20h, le médecin téléphone. Entre temps, Darling était revenu, et avait pris la serpillière bouillante, ce qui m'avait permis d'avaler quelques feuilles de salade et quelques cuillerée de purée mousseline.
— Alors, j'ai les résultats du labo, il ne semble pas y avoir d'infection urinaire, mais l'analyse sanguine n'est pas bonne, il vaut mieux que vous alliez aux urgences. Passez d'abord par ici, pour que je recopie le résultat des analyses dans le carnet de santé.
Quelqu'un peut-il me dire pourquoi je me retrouve toujours à aller aux urgences en fin de soirée et pas tranquillement à 10h du matin ?

Je pars donc, avec le petit sur le dos (vu son état, et vu qu'il refusait de me lâcher même pour une minute, j'ai laissé tomber le vélo). Je passe par le cabinet du médecin, puis j'arrive aux urgences. Un monde fou. Je m'installe dans un coin, avec mon machin bouillant dans un bras et ma liseuse dans l'autre (une des occasions où le fait de pouvoir tourner les pages d'une seule main est bien pratique). Périodiquement, j'emmène le Filou aux toilettes et j'essaie de lui faire faire pipi dans le flacon qu'on m'a donné pour vérifier si ce n'est vraiment pas une infection urinaire, mais le môme n'est pas coopératif (je me souviendrai longtemps d'être restée de longues minutes agenouillées devant ces toilettes, tenant le Filou en pleurs d'une main, le flacon de l'autre, l'odeur d'urine dans les narines, la cuvette à cinq centimètres de mon nez, prête à placer à toute allure le flacon sous les fesses du gamin s'il réussissait enfin à faire quelques gouttes). Au bout d'une heure, nous voyons l'infirmière de service. Gamin réveillé, déshabillé (pour la troisième fois de la journée), examiné. Puis retour dans la salle d'attente. Enfin, à 11h et demie, nous voici en présence d'une interne. Quatrième déshabillage et examen. L'interne est aussi perplexe que le médecin tout à l'heure. Elle sort périodiquement pour consulter sa chef. A chaque fois, le Filou en pleurs se rendort sur la table d'examen, et moi aussi (il exige que je reste collée à lui, donc je suis forcée de m'allonger près de lui) (non, cette fois ce n'est pas un prétexte). A chaque fois, réveil brutal et nouvel examen :
— Ah, j'ai oublié de vérifier sa nuque.
— Non mais on a déjà vérifié deux fois, ce n'est pas une méningite.
— Peut-être, mais je préfère être sûre. Il est assez raide, je trouve...
— Peut-être parce qu'il est en train de se contorsionner de rage ?
— Ah oui, peut-être. Vous pouvez essayez, vous ? Non, c'est bon, il tourne bien la tête. Vous pouvez être rassurée : ce n'est pas une méningite.
— Heu, merci...

A minuit et demie, on nous annonce qu'étant donné les circonstances, on va lui faire une autre analyse de sang et une autre analyse d'urine. Après une bataille épique où j'ai tout essayé, y compris de faire pisser l'enfant dans le lavabo, debout sur le rebord (non mais j'aurais tout recueilli dans le flacon, bien sûr ! De toute façon, rassurez-vous, ça n'a pas marché), je réussi enfin à recueillir quelques gouttes d'urine grâce à un petit chantage efficace ("Ah oui, tu as envie de faire caca ? Eh bien, soit tu fais d'abord pipi dans ce flacon, soit tu te ch*** dessus, mon bonhomme."). Puis déshabillage (cinquième) et prise de sang (je raconte ? Non.) Puis, à 1h passée, on nous emmène dans une salle d'attente :
— On va vous apporter les résultats dès qu'ils seront prêts. Ça prend environ deux heures. Vous pouvez vous allonger sur ces fauteuils, en attendant.

C'est à ce moment précis que le Filou est subitement guéri.

Je vous jure. Une demi-heure plus tôt il était mourant, et tout à coup, il avait repris du poil de la bête. Vérification faite, ce n'était pas moi qui rêvais : la fièvre était enfin tombée, après plus de 24h.
Super !
Pas vrai ?

En fait, non, pas super du tout. Car pour la première fois depuis la veille au soir, le Filou tenait enfin sur ses pattes, et pouvait marcher. Voire à sauter et à courir. Et il ne s'en est pas privé. Au lieu de s'allonger avec moi, il s'est mis à jouer tout autour de la salle d'attente. A bout de forces, je m'assoupissais sur mon fauteil, puis je me réveillais en sursaut, soit parce que je ne l'entendais plus ("Mon dieu, il s'est enfui ?"), soit parce que je ne l'entendais que trop ("MAMAN ! Ragade, un bateau !").

Vers 2h45, tout de même, il a eu un petit coup de barre et est venu s'allonger près de moi. Nous nous sommes endormis immédiatement.
Pendant cinq minutes. A 2h50, une pédiatre est arrivée.
— Bonjour ! Nous avons enfin les résultats du Filou. Il est confirmé qu'il n'a pas d'infection urinaire, et en fait, il n'a probablement pas non plus d'infection bactérienne, malgré les résultats de la prise de sang. Ce doit être juste un virus. Je vais tout de même l'examiner, si vous permettez. Alors, voyons... Il pleure beaucoup : vous croyez qu'il a mal quelque part ?
— Non, je crois juste qu'il est trois heures du matin, qu'il venait de s'endormir, et qu'il vient d'être déshabillé pour la sixième fois en quelques heures...
— Nous allons le garder pour la nuit, en observation, et surtout pour pouvoir le perfuser, car d'après l'analyse sanguine, il est déshydraté.
— Mais je n'arrête pas de le faire boire !
— S'il vomit et qu'il a une forte fièvre, ça ne suffit pas. Rhabillez-le, les infirmières vont venir vous chercher pour vous installer dans une chambre.

Elle part. Le Filou commence à se rendormir. Hélas, les infirmières arrivent.
— Venez, on va lui poser la perfusion, et on va lui mettre une chemise de nuit.
Septième déshabillage, et troisième piqûre de la journée. C'est peu dire que le Filou n'en peut plus. Quant à moi, je n'arrive même plus à lire (et pourtant, je suis plongée dans Dumas). Enfin, on nous conduit dans une chambre, avec un lit et une espèce de lit de camp.
— Il peut dormir dans un vrai lit, ou vous préférez un lit à barreau ?
— Vu son état de fatigue, je doute qu'il essaie de s'enfuir. Mais il risque de tomber...
— Non, rassurez-vous, il y a des barrières.
Quand j'ai voulu le déposer sur le matelas, cependant, le Filou s'est mis à hurler. Je crois qu'il ne comprenait plus rien, et était très inquiet d'être dans ce lit inconnu. Impossible de lui faire admettre que le lit de camp était à moins de vingt centimètres du sien. Du coup, je me suis allongée avec lui. Et je me suis dit que c'était plutôt une chance que je n'aie pas choisi le lit à barreaux, en fin de compte.

A quatre heures du matin, nous nous sommes donc enfin endormis dans un vrai lit, l'un contre l'autre.

Et c'est tout. La fièvre n'est plus revenue. Au matin, après une nuit de perfusion, il avait retrouvé des forces. Les infirmières nous ont fait la grâce d'attendre jusqu'à 8h30 avant de venir avec leur balance, leurs suppositoires, leur tensiomètre, etc. Il a encore fallu lui faire avaler quelque chose, vérifier qu'il ne vomissait pas, et à 11h, nous avons été libérés. Darling, qui devait venir me relayer vers 9h, est arrivé juste à ce moment-là : il s'était perdu en venant et avait passé trois quatre d'heures à errer dans la mauvaise commune ("Mais tu ne t'es pas rendu compte que tu n'avais pas traversé un pont ?" "Heu, en fait j'avais oublié qu'il y avait une rivière entre les deux..."), puis il a encore perdu une demi-heure à l'hôpital à chercher un Mr Thing Two qui ne figurait sur aucun dossier (Darling confond les prénoms de ses fils encore plus souvent que moi), puis il a dû parlementer longuement avec le responsable du service qui avait du mal à admettre qu'il était le père de cet enfant dont il ne connaissait même pas la date de naissance, mais enfin il nous a rejoint, et nous sommes rentrés tous ensemble. Cet après-midi, le Filou et moi avons fait une sieste de trois heures. Et maintenant, il est en pleine forme. Tout va bien.

Quoique... Miss Thing One est un peu chaude, non ?
Ah ben si, elle a 38,6°.

Bon, je vais me coucher.


lundi 3 novembre 2014

Avion et train de nuit

Vous le savez, je suis contre les voitures. J'estime que dans 90% des cas, il existe ou il devrait exister d'autres moyens de se déplacer, et j'espère vraiment que je verrai le jour où les voitures individuelles disparaîtront au profit des vélos, des cars, des bus, des trams, des trains, bref, de tout ce qu'on utilisait il y a à peine quelques décennies, lorsque même les villages reculés étaient desservis par des lignes de cars et que les plus petites villes voyaient passer un train plusieurs fois par jour.

Ce que vous ne savez peut-être pas encore, c'est que je suis contre l'avion, essentiellement pour les mêmes raisons écologiques. Certes, contrairement à la voiture, les avions ne tuent pas des milliers de personnes, n'encombrent pas les villes de manière inacceptable,  ne modifient pas le paysage péri-urbain (sauf aux environs des aéroports, bien sûr) et ne causent pas les mêmes nuisances sonores (idem, sauf près des aéroports). Mon militantisme anti-avion est donc bien moins virulent, et moins quotidien. Reste tout de même que l'avion pollue atrocement, et que je pense, là aussi, qu'on pourrait largement diminuer son usage, même si on n'accepte pas de réduire ses déplacements. Quel est l'intérêt de faire Paris-Marseille en avion, franchement ? Si on compte le trajet porte à porte, ça va plus vite en train, et de loin. Et c'est nettement plus confortable, en plus (et on peut garder son téléphone allumé) (sur vibreur) (sinon je vous assomme). Tous les vols intra-nationaux pourraient être supprimés sans soucis.

Quand la distance dépasse les 1000 ou 1200 kilomètres, on peut être tenté de préférer l'avion, surtout s'il n'y a pas de ligne de TGV, parce que cinq ou six heures dans un train, ça peut paraître long – et là, je pense en particulier aux enfants, incapables de tenir en place pendant si longtemps. Sauf quand ils dorment. D'où une solution de bon sens : le train de nuit. Imparable. Vous partez de Paris le soir, et vous êtes à Rome au petit matin, où vous pouvez encore aller prendre un capuccino et un morceau de focaccia avant d'attaquer votre visite de la cathédrale. Ou alors, vous vous réveillez à Barcelone, et c'est avec un chocolat chaud ultra-épais et des churros que vous commencerez la journée. Ou encore, vous émergez à Berlin, et le café de la gare vous proposera charcuterie et fromages pour vous mettre en forme. Peu de fatigue, peu de pollution, et une nuit d'hôtel en moins à payer. Génial, non ?

Sauf que non. La liaison de nuit Paris-Rome a été supprimée il y a plusieurs années. La liaison Paris-Barcelone, l'année dernière. Et la liaison Paris-Berlin le sera en décembre prochain. Pourquoi ? Parce que c'est cher. Entre autres, parce que les trains payent des taxes dont les compagnies aériennes sont exemptées. Et donc, plutôt que subventionner, on laisse tomber. De toute façon, cela fait des décennies qu'on laisse peu à peu tomber les trains de nuit au profit des TGV et de l'avion. Le matériel n'est pas renouvelé, et comme il est vétuste et parfois sale, les usagers s'en détournent ; les compagnies ferroviaires ont ensuite beau jeu de dire "voyez, il n'y a plus assez de demande". Donc maintenant, pour aller à Turin, par exemple, c'est cinq heures et demie de train. Pas long ? Essayez donc avec des enfants en bas âge, soit les vôtres, soit ceux des autres voyageurs. Reste l'avion. Absolument pas indispensable pour un trajet aussi court, mais voilà, puisqu'il n'y a plus le train de nuit...

Bref, si vous aussi vous aimeriez conserver les trains de nuit, par conscience écologique, ou parce que vous avez peur dans les avions, ou parce que Le crime de l'Orient-Express est votre roman préféré, ou parce que vous êtes parisien et vous aimez l'idée de pouvoir arriver à Berlin un matin et en repartir le soir sans passer par la case "hôtel", ou parce que vous voulez pouvoir emporter votre vélo pour visiter la ville de destination, ou pour n'importe quelle autre bonne ou mauvaise raison, je vous invite à aller voir ici :
http://www.jordensvanner.se/trafik/save-the-european-night-trains

samedi 1 novembre 2014

Retour d'Espagne

Avant.
Lever à cinq heures et demie du matin, alors que par la fenêtre, mer et ciel étaient encore d'un noir d'encre.
Taxi jusqu'à l'aéroport, mauvais petit-déjeuner, passage de la douane avec fouille au corps mais dans la bonne humeur, trajet en avion sans trop d'histoires malgré quelques nausées (normalement, le mal des transports est censé diminuer avec l'âge, mais chez moi c'est l'inverse, l'avion et le train qui ne me faisaient rien autrefois me donnent désormais mal au cœur), taxi jusqu'à la maison.
Quand nous avons traversé un pont, le Filou s'est écrié : "Ragade ! la mer !"
Eh ! non, ce n'était pas la mer. Mais la Seine, c'est bien aussi, hein ?
Après.
En tous cas, je vous avouerai une chose : après cette semaine à la météo de rêve, je ne suis vraiment pas fâchée de retrouver ma maison, mes arbres aux feuilles jaunies par l'automne, ma couette pour la nuit, mon kitchenaid, ma connexion internet et ma prochaine traduction enfin arrivée pendant les vacances. C'étaient de belles vacances, même pour moi qui ne raffole pas de la mer et de la plage, mais je les ai vues se terminer sans nostalgie aucune. Les parenthèses, c'est bien, mais elles doivent se refermer, même quand elles sont aussi plaisantes. Et quand j'y réfléchis, je me dis que préférer la vie quotidienne aux vacances, c'est plutôt bon signe, non ?

PS : Je me demande si l'hôtel acceptera de nous renvoyer par la poste le pokemon en plastique, la canne à pèche à poissons aimantés, la chaussette bleue et les deux veilleuses laissées dans la chambre ?