mercredi 23 mai 2012

Voyage en avion

Mardi soir dernier, nous avons pris l'avion en famille pour l'Espagne.

C'est drôle, ce qu'une phrase en apparence anodine peut recouvrir. Même si cette phrase n'est pas si anodine que ça, en fait. Quelques mots peuvent mettre la puce à l'oreille. "Famille", par exemple. Mais aussi "avion", "Espagne", et surtout "soir".

En pratique, voilà le déroulement des opérations (et je jure que rien n'est exagéré) :

- Départ de la maison à 16h30, juste après avoir récupéré les gamins à la crèche et le Grand à l'école, et après avoir réglé quelques derniers détails ("Zut, nous n'avons pas mangé ces asperges des Landes bio à 40 pépites d'or la botte, que dois-je en faire ?" ou "Comment ça, tu veux ajouter ta veste en velours qui ne doit surtout pas être froissée dans la valise ultra-pleine ?"). Un taxi à neuf places stationnait devant la résidence, et il nous a fallu dix minutes pour convaincre le chauffeur que si si, c'était bien nous qu'il attendait. En fait, ce n'était pas nous. Il y avait deux familles qui avaient réservé un taxi à neuf places à 16h30 pour aller à Orly dans notre immeuble ce jour-là. Heureusement, notre taxi a fini par arriver.
- Voyage en taxi avec les gosses surexcités et fatigués (une mauvaise combinaison). L'un des Things  s'est mis à pleurnicher parce qu'il n'était pas assis à côté de Maman. Le temps d'arriver à l'aéroport, ce n'étaient plus des pleurnicheries, mais une sirène d'alarme hurlante. Un bon avant-goût du reste du voyage.
- Attente devant le check-in. Il y avait beaucoup de monde. Interrogé, le monsieur qui faisait l'aiguillage a dit que non, nous ne pouvions pas sauter la queue. Un quart d'heure plus tard, le Grand se jetait sur le sol en mimant un combat de magie pour laisser sortir son trop-plein d'énergie, le Petit pleurait parce qu'il avait faim, et les deux Things chahutaient, essayaient de s'enfuir, démolissaient le matériel, s'attaquaient aux bagages des autres voyageurs, voulaient éborgner le bébé, ou pleuraient pour être avec Maman. Une demi-heure plus tard, toujours debout, j'avais un bébé au sein dans un bras, un garçon de deux ans dans l'autre bras (mais si, on y arrive), une fille de deux ans en larmes agrippée à ma jambe, et je hurlais au Grand toutes les trente secondes de se tenir tranquille. Trois quart d'heure plus tard, ce sont les autres passagers qui sont allés voir le monsieur pour exiger qu'il nous laisse passer dans la file prioritaire. Ce que nous avons fait ; dommage que l'ordinateur du comptoir se soit bloqué juste à ce moment-là, et que ça nous ait finalement fait passer encore plus tard que si nous étions restés dans la queue.
- Passage de la douane. Cette fois, un policier qui avait dû suivre la scène des yeux, ou qui avait des enfants en bas âge, ou qui m'a vue prête à pleurer, a eu pitié de nous et nous a fait avancer devant les 876 personnes qui attendaient. Il a donc juste fallu passer sous le détecteur de métaux. En pratique, ça veut dire : faire enlever les manteaux de tout le monde, et les ceintures et chaussures de certains d'entre nous ; ôter mon écharpe porte-bébé de 5,30 mètres de long, tout en gardant le bébé dans les bras ; sortir les biberons et petits pots du sac à dos ; franchir la douane en premier, pendant que Darling empêchait les Things de me suivre, en laissant mon bébé dans les bras d'une policière. Autant dire que j'avais trois gamins hurlant juste derrière moi. Dont deux, après avoir paniqué parce que je partais sans eux, n'ont pas voulu venir me rejoindre quand je les ai appelés. Pendant ce temps, le Grand subissait une fouille au corps, car même sans chaussure, il sonnait (je le soupçonne d'avoir avalé une fermeture éclair ou un truc du genre). Puis rhabillage généralisé.
- Pause dans un café en attendant d'embarquer, le temps de boire un chocolat chaud réussissant l'exploit d'avoir été préparé à la fois sans lait, sans cacao, et sans sucre. Miss Thing One n'en voulait pas. Ensuite, quand je l'ai donné à son frère, elle voulait tout sans partage. Essuyer les bouches, les T-shirts, les pantalons, les mains. Empêcher Mr Thing Two de mettre dans la bouche un chewing-gum ramassé par terre et de prendre un verre sur une table voisine. Lui courir après en slalomant entre les tables trop rapprochées.
- Attente debout devant la porte d'embarquement à partir de l'heure prévue. Attente qui a duré trente-cinq minutes, sous un panneaux indiquant imperturbablement que l'embarquement aurait lieu à l'heure. Le Grand était de plus en plus intenable. Mr Thing Two se roulait littéralement par terre. Miss Thing One fuguait au milieu de la foule. Le Petit pleurnichait. A ce moment-là, j'ai failli proposer à Darling de rentrer à la maison.
- Installation dans l'avion, et vol de deux heures. Je ne m'étendrai pas là-dessus, ce n'est même pas racontable. Quand nous avons atterri, au lieu de nous lyncher, tous nos voisins se sont portés volontaires pour nous aider avec les bagages et les enfants, et tous nous ont souhaité bon courage avec compassion. Il était neuf heures et quart, alors que les Things se couchent normalement à huit heures. Je suis sortie de l'avion avec les deux jumeaux (une douzaine de kilos chacun) dans les bras : c'était ça ou les laisser là.
- Attente des bagages. Non, on ne monte pas sur le tapis roulant. Non, on ne s'enfuit pas. Non, on ne tape pas le bébé qui dort enfin. Non, on n'escalade pas les chariots. Non, on ne fait pas la course avec le Grand, que j'aurais volontiers découpé en morceaux si je n'avais pas été obligée de sortir mon couteau suisse de mon sac à main pour le mettre dans la valise (celle qui nous attendions, donc).
- Installation dans le taxi neuf places qui nous attendait. Contrairement à l'autre, celui-ci avait prévu des sièges pour les jumeaux (j'avais pris une coque pour le Petit), mais il ne savait manifestement pas les attacher, et il a fallu faire ça dans le noir, en consolant les gamins qui n'en pouvaient plus, et en leur répétant que si si, on allait bientôt y aller, et qu'ils allaient très vite se coucher.
- Arrivée à l'hôtel, un hôtel très chic où Darling est connu comme le loup blanc, car son père était l'un des actionnaires. Du coup, long bavardage avec le personnel de l'accueil, pendant que le Grand faisait des roulades sur la moquette (je vous jure que c'est vrai), que le Petit dormait dans mes bras, que Miss Thing One hurlait pour prendre sa place, et que Mr Thing Two grimpait sur les tables basses en verre et renversait les plantes vertes.
- Installation dans la chambre, avec les deux lits-parapluie qui ne tenaient pas là où nous aurions voulu les mettre (soit pas à portée des rideaux, ni de l'interrupteur, ni de la poignée de la porte, ni de la lampe...), avec le Grand dont l'énergie semblait inépuisable, avec les bagages que je passais mon temps à compter et à chercher, avec le lit pop-up du Petit à installer quelque part.

Enfin, à dix heures et demie du soir, le voyage était terminé, chacun des enfants avait un couchage attribué, et les Things s'apprêtaient à aller dormir.

C'est à ce moment-là que je me suis rendu compte que j'avais oublié les doudous.

7 commentaires:

  1. Sérieusement, un voyage en Mordor avec Gollum, c'est une partie de rigolade à côté de ça...
    Je suis très admirative. Et terrorisée, aussi.

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  2. Nooooooonnnnnnn!!!!!! Pas les doudous!!!!! Sont restés regarder pourrir les asperges?

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  3. Doudou, c'est le truc que je vérifie encore et encore avant de partir (quitte à oublier autre chose...). Déjà on est débarrassé de la tétine. En tout cas chapeau d'être allés jusqu'au bout du voyage, j'aurais abandonné bien avant.

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  4. Aaaaaaaargh ! Aies pitié de tes lecteurs, dis-nous que le reste du séjour s'est bien passé !

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  5. Finalement, un voyage très normal lorsqu'on voyage avec 4 enfants en bas âge...

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  6. Rien que de te lire, j'avais des bouffées d'angoisses... Ravie que tout le monde soit revenu entier ! :D

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  7. Je ne me lasse pas de ce billet, il est si drôlement terrifiant.

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